Vers une perte des liens
- boutetoriane
- 6 avr. 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 oct. 2023
Sophie Marinopoulos, lors du colloque « Voir Grand » qui s’est tenu le jeudi 23 septembre à l’Artothèque de Caen, parle de l’importance des liens et du temps. Elle y expliquait que nous vivons actuellement dans une société accélérée, et que nous sommes constamment pressés et dépendants du temps qui s’écoule. Les adultes cherchent la performance et en oublient la relation avec l’enfant.
Pour cela, il est indispensable de se retrouver et de se rencontrer. Sophie Marinopoulos y donnait un exemple simple mais illustrant de manière pertinente cette perte des liens : on dit aux parents de laisser dormir le plus longtemps possible leur bébé. De fait, lors du réveil pour emmener l'enfant dans un lieu d’accueil ou en sortie, le parent le lève quinze minutes avant le départ. L’enfant a bien dormi, le plus longtemps possible. Lors du réveil, tout est donc accéléré et chronométré, pour le changer, le nourrir, en un quart d’heure. Or, le petit n’a pas le temps de comprendre ce qu’il se passe. Si pour l’adulte tout est clair, lui il n’a pas le temps d’analyser et de comprendre que celui qui le réveille est le même que celui qui l’a couché la veille.
Sophie Marinopoulos conseille plutôt d’effectuer le levé en amont, afin que l’adulte partage un véritable moment avec lui : prendre le temps de se réveiller, du repas, de s’habiller, de se parler avant la séparation. Ce lien doit être impérativement préservé. Dans notre société actuelle, les parents sont affublés de conseils : le bébé doit dormir tant d’heures par jour, doit manger équilibré, ne doit pas regarder d’écrans… Or, il est oublié l’importance de prendre du temps et de partager des choses avec son enfant. On ne parle pas de stimulation, mais d’éveil. Stimuler un enfant reviendrait à poser des attentes.

Ce ralentissement de la vie est nourri par l’éveil culturel et artistique. Prendre le temps d’aller faire une activité, ou de faire une activité chez soi, c’est prendre le temps de créer des liens et de favoriser un bon développement. Nous pouvons citer un autre exemple, où une jeune maman est restée onze mois auprès de son bébé. Lorsqu’elle a repris une activité professionnelle, elle était en manque de liens et de partages avec sa petite fille. Pour pallier à cela, elle a commencé à faire des ateliers de peinture avec elle, pour partager un moment fort et riche en émotions avec son tout-petit.
Visite "Mon tout-petit Versailles"
Lucie Manin, cheffe du service éducatif au château de Versailles, a mis en place « Mon tout petit Versailles ».
La visite accueille au maximum huit enfants et n’excède pas quarante-cinq minutes. Chacun a un petit sac avec plusieurs peluches et objets à l’intérieur comme du papier tulle. Ici, elle cache des choses dans des pièces pour réagréger le groupe par la découverte. Ils doivent ouvrir une valise, soulever des papiers… Le fait d’avoir un rythme et un rituel permet de garder le groupe soudé et attentif. À l’arrivée, la visite débute par un massage mutuel à l’aide de petites balles en mousse entre les parents et les enfants. Cela permet une première rencontre corporelle, de soi et de l’autre. La conclusion de la visite étant tout aussi importante, elle se termine en se couchant sur le sol et en fermant les yeux, un temps suspendu pour se recentrer, prendre conscience de tout ce que l’on vient de vivre. L’adulte, qu’il soit parent ou professionnel de la petite enfance, offre une rencontre à l’enfant.
Ensemble
Cette perte du relationnel fragilise les liens. Le bébé est en appétence, tout l’intéresse, il ne met aucune expérience de côté. Le tout-petit cherche également une disponibilité. Il est important de ne pas le laisser seul dans des états de débordements émotionnels. L’adulte prenant en compte ces réactions en l’aidant, l’enfant fera « l’expérience d’une coopération possible avec l’autre, d’une mutualité et d’une réciprocité dans leurs échanges ».
En proposant des rencontres à son bébé, on transmet la socialisation. Le médiateur, dans le cas d’une action sur un lieu patrimonial ou un musée, fait le lien avec l’adulte et son petit. Il propose au groupe de se rencontrer et de se retrouver. Il s’agit non pas d’une visite mais d’échanges et de rencontres. Il fait le lien entre les personnes présentes. Il propose un temps suspendu, et invite les adultes à poser un regard différent sur leur enfant.
La « Santé Culturelle », passe par la préservation et le renforcement de ces liens.
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